Ordonnances « Macron » : Mainmise des employeurs sur des financements de la formation syndicale

Document de la Formation Confédérale CGT, 9 octobre 2017

Télécharger la notice et les différents courriers actualisés (les courriers seront prochainement remis en page mais sont disponibles dans ce lien)

Les ordonnances réformant le Code du travail ont été signées par le Président de la république le 22 septembre 2017 et publiées au Journal Officiel le 23 Septembre 2017. Les mesures concernant  la formation syndicale n’avaient pas été présentées aux organisations syndicales durant l’été.

Elles modifient en profondeur les principes de financement instaurés par la loi de mars 2014 et par la loi Rebsamen d’août 2015 concernant le dispositif de subrogation des salaires pendant les formations.

La plupart des dispositions sont applicables dès le 23 septembre…

En effet, l’ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social modifie l’article L2145-6 du Code du Travail qui devient :

Le salarié bénéficiant du congé de formation économique, sociale et syndicale a droit au maintien total par l’employeur de sa rémunération.

L’employeur verse les cotisations et contributions sociales afférentes à la rémunération maintenue. Le montant du salaire et des contributions et cotisations afférentes au salaire maintenu à la charge du salarié sont déduits de la contribution définie au 1° de l’article L. 2135-10 .

Il est précisé dans l’ordonnance que les dispositions de l’article L 2145-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de la présente ordonnance, s’appliquent aux rémunérations correspondant à un congé de formation économique, sociale et syndicale effectué postérieurement à sa publication.

L’employeur est dans l’obligation de maintenir l’ensemble des éléments de rémunération au salarié, puis il les déduit de sa cotisation au Fonds Paritaire. De fait, l’ensemble des dispositions concernant le remboursement du salaire à l’employeur disparaît.

Si les ordonnances présentées dans un premier temps, prévoyaient qu’un décret précise les modalités d’application de cette mesure, celles signées le 22 septembre n’y font plus référence. Ces mesures sont donc d’application immédiate.

Les conséquences sont multiples :

  • L’employeur ne peut plus refuser de maintenir les salaires.
  • Les employeurs déduiront les salaires et cotisations versées pour les salaires en Congés de Formation Economique Sociale et Syndicale. Les entreprises couvertes par un accord de branche ou par un accord d’entreprise plus favorable, pourront en faire de même. Cela rendra caduque l’ensemble de ces textes conventionnels.
  • Les ressources du Fonds Paritaire baisseront, sans que nous ne puissions faire de projection…et donc les ressources des Organisations Syndicales baisseront aussi, a priori essentiellement pour l’enveloppe 3 (Formation Syndicale).
  • Les échanges de courriers liés aux remboursements des salaires n’ont plus lieu d’être. L’organisation syndicale n’est plus partie prenante dans les procédures administratives et financières. Elle n’a plus de visibilité sur l’utilisation des sommes qui financent les pertes de salaires pendant les formations.

Plusieurs éléments fondent notre opposition à ces mesures :

  • Il n’y aura plus de demande directe entre le syndicat et l’employeur concernant la formation syndicale ce qui va entrainer une baisse du rapport de force sur les questions de formation syndicale des adhérents, des élus et des mandatés. Les pressions des employeurs pour refuser les départs en CFESS seront plus fortes sur les salariés.
  • Il n’y a plus d’égalité de traitement pour le financement des entreprises et la participation des salariés suivant la taille de l’entreprise. 
  • Les accords d’entreprise et les conventions collectives prévoyant la prise en charge totale ou partielle par l’employeur des rémunérations pendant les formations seront certainement rapidement dénoncés. Ces accords doivent être maintenus, en prenant en compte les nouvelles dispositions.
  • L’Association de Gestion du Fond Paritaire National qui reverse aux organisations syndicales la cotisation de 0.016 %, n’aura pas les moyens de savoir le nombre de formations faites par telle ou telle Organisation Syndicale et ne pourra pas contrôler les déductions faites sur la cotisation.
  • Revenir à un système équivalent au 0.08/1000 où la demande de congé de formation syndicale est faite par le salarié directement à l’employeur sans discussion avec le syndicat et la fédération ou l’Union Départementale risque de favoriser les formations communes (projet du Medef et du Gouvernement pour former en même temps les employeurs et les syndicalistes). Cela touche aux questions d’indépendance des élus et mandatés syndicaux et cela va sortir des formations toutes les questions de démarche syndicales et de construction du rapport de force sans parler de la place des syndicats dans l’entreprise et la société.

Nous avons interpelé la DGT sur des contradictions existantes dans les textes en vigueur après le 23 septembre. Nous vous informerons des précisions qui nous seront données concernant les modalités d’application.

De plus, une rencontre avec les autres organisations syndicales a montré des convergences d’analyse, à partir desquelles une rencontre va être demandée à la Direction Générale du Travail.

Nous adaptons dès maintenant les procédures administratives

Pour les formations réalisées après le 22 septembre 2017 :

  • Le salarié fait sa demande de CFESS un mois avant le début de la formation. Il n’y a plus de demande de subrogation.
  • Le dossier « Pertes de salaires » ne doit plus être utilisé.
  • Nous vous demandons de ne plus rembourser de salaires aux employeurs pour les stages effectués après le 22 septembre. Nous n’effectuerons plus de versement aux organisations pour ces stages.

Dans la période à venir nous souhaitons rester en capacité de recenser ce que nous réalisons et d’évaluer l’impact sur les financements correspondants. C’est pourquoi nous vous demandons de continuer à remplir les dossiers administratifs pour l’ensemble des formations réalisés.

La bataille doit être menée dans les syndicats pour maintenir le droit à la formation syndicale, en restant vigilant sur les éventuels refus des employeurs. Il s’agit aussi de ne pas céder aux employeurs qui vont amplifier les pressions pour que les élus et mandatés réalisent des formations en dehors des organisations syndicales. Des accords d’entreprise pour mettre en place des formations communes avec les employeurs pourraient être proposés aux élus. Il faut s’y opposer catégoriquement.

 

Le responsable du pôle formation syndicale Antoine LOPEZ